Galerie : La Dixième Muse
 

Shana
par June



Translated by Danny

 
 

Je ferme doucement la porte capitonnée et m'installe aussi confortablement que possible dans un large sofa. Face à moi , un mur est percé d'un gigantesque miroir sans tain. Grâce à lui, je serai la spectatrice silencieuse d'un ballet dont tu es à la fois scénariste, chorégraphe et actrice. Je t'observe. Tu es debout, appuyée sur le mur opposé au miroir. Tu transpires. Tu me sais là, assise dans le noir, épiant tous les subtils changements d'expression qui passent en vagues sur ton joli visage. De temps à autre, ton regard croise le mien. Tu ne peux me voir, je le sais bien. Je partage ton désir et ta peur. L'espace d'une seconde, j'ai envie de tout arrêter. Mais je sais tout comme toi qu'il est déjà trop tard. Et puis, n'était-ce pas ton idée ?

Je te regarde découvrir la chambre dans laquelle te voilà enfermée. Dans un coin, une table de bois poli. Des godemichés de différente taille y sont déposés. Tu les a soigneusement sélectionnés, tenant compte leurs caractéristiques propres, connaissant le subtil mélange de plaisir et de douleur que chacun de ces délicieux objets peut générer s'il est utilisé de manière adéquate : tu les as si souvent utilisés sur moi, pour notre plus grand plaisir d'ailleurs.
 


 
D'autres objets ornent la table. Tu effleures de tes doigts chacun d'eux. Quelques cordes. Une poire d'angoisse. Des foulards. Un tube de KY A terre, un matelas recouvert d'un drap de soie noire. La présence de ce drap si délicat dans cette cellule aux murs de béton nu forme un contraste saisissant. Je n'ose imaginer dans quel état il sera lorsque tout sera fini.

Le fauve est devenu proie, la maîtresse est devenue esclave. Je n'aurai que le droit d'observer et le spectacle qui se prépare tord mon ventre de sourdes vagues d'angoisse mêlées de désir. Aujourd'hui, après deux ans de soumission totale aux milles exigences que ton esprit si inventif n'a cessé d'imaginer, je te verrai donc dans un rôle tout à fait inconnu de moi : celui de victime. C'est mon cadeau d'anniversaire, as-tu dis. Au départ, l'idée ne me plaisait guère. Je n'aime pas me voir ainsi souffler un rôle auquel je prends tant de plaisir et auquel tu me soumets depuis si longtemps avec tant de talent.

D'ailleurs, dans notre histoire, qui soumet et qui est soumise? Certes, tu m'as fait découvrir les milles et unes subtilités du plaisir qu'une maîtresse expérimentée peut offrir à son esclave. Avec toi - grâce à toi - j'ai parcouru les délicats chemins de la douleur et de l'humiliation, jusqu'à traverser des frontières que, naïve et jeune comme je l'étais, je me croyais incapable de franchir. Mais n'es-tu pas ma prisonnière aussi ? De par mon obéissance absolue, ne t'ai-je pas fait atteindre les strates les plus profondes de tes fantasmes ? N'es-tu pas à présent dépendante de ma totale soumission ? Tes colères sont terribles, tes punitions redoutables, tes fantaisies sombres et violentes. Mais tu tremble à l'idée que je puisse ne fusse qu'un instant penser à te quitter.

Là, dans une pièce voisine, trois hommes attendent. Tu les a choisis comme on choisi des étalons dans un haras. Jeunes, grands et secs, avec des gueules de joyeux voyous, comme tu les aimes. Tu les as jaugés, estimant leur endurance et leur aptitude à mener à terme leur étrange mission. Oh, quelques mots seulement ont suffi à les convaincre. D'ailleurs, il n'a pas été nécessaire de faire preuve de persuasion : ce genre d'homme est si facile à piéger ! Je les imagine, parlant entre eux du bon coup qui les attends, bavant d'avance à l'idée de tout ce qu'ils vont pouvoir faire subir à cette jeune femme que je leur ai dit prête à assouvir leurs moindres désirs. Une seule restriction : pas de coups. Pour le reste, libre à eux de te soumettre à la moindre de leur volonté, sans limite aucune.

Un moment, tu as même exigé que Fred, notre Berger Malinois que tu as si savamment dressé à me monter, soit de la partie. Je m'y suis opposée. Je suis d'un tempérament jaloux et il y a des choses que je ne partage pas.

Je vérifie une dernière fois la présence de mon revolver dans mon sac à main. On ne sait jamais avec ces abrutis. Je ne suis pas rassurée, tu sais. Je connais ce genre de personnage, et je porte en moi les stigmates que d'autres, tout semblables à eux, ont cru bon de me léguer. Souvenirs d'une nuit de viol le long des quais... Oui, je les connais. Je devine leurs rires gras, leurs regards lourds des milles perversions qui leur traversent l'esprit. Mais je sais également que, s'imaginant être les maîtres, ils ne seront que les vivants outils de notre désir.

Dans quelques minutes, ils entreront. Ils t'arracheront sans ménagement ta veste et ta jupe de cuir. Tu te laisseras faire bien sûr . Tu t'agenouilleras et aussitôt engloutiras dans ta jolie bouche le premier membre qui se présentera. Tu offriras ton cul, ta chatte aux gigantesques coups de reins de ces jeunes brutes. Lorsqu'ils en auront terminé, ils te travailleront sans ménagement, utilisant tous les outils que nous avons mis si gracieusement à leur disposition, et tu en redemanderas, je le sais. Puis ils recommenceront à te sauter, encore et encore, de tous côté, imaginant sans cesse de nouvelles façons de t'humilier, de te rabaisser, croyant enfin t'amener à leur niveau. Et tu en jouiras car tu les sauras inconscients du fait que c'est toi qui les baises, et je les baiserai à travers toi.

Lorsque tout sera terminé, lorsqu'ils seront enfin partis, je rentrerai dans la chambre. Tu seras là, allongée sur le matelas, épuisée, haletante, ton corps recouvert de sperme, de sueur et d'urine. Je te relèverai doucement et je t'emmènerai chez nous. Je te ferai couler un bain très chaud, y déverserai les sels les plus délicats afin que ton corps meurtri y trouve repos et réconfort. Je te sécherai ensuite, puis t'enduirai de baumes parfumés afin d'effacer les scories laissées par la nuit. Enfin, lorsque tous les stigmates laissés par eux auront disparu, je te peignerai doucement, te parfumerai et te coucherai.

Tu tournes soudain la tête en direction de la porte. Elle s'ouvre doucement.

J'ai décidé de conserver le drap de soie : il sera notre relique.