La nuit venait de tomber.
Le taxi roulait lentement dans les ruelles étroites du vieux quartier
de la ville. Les façades rouges et ocres, à la lumière
de l'éclairage public, semblaient exhaler une chaleur magique...
A cette heure pourtant tardive, les rues étaient encore bondées
: étudiants qui sortaient dans les bars, couples bourgeois qui profitaient
des restaurants gastronomiques, touristes égarés : tous se
croisaient dans les petits passages piétons, les plus aventureux
s'attardant dans les traboules...
Confortablement installée
dans la large banquette arrière, Hélène souriait en
contemplant, derrière ses lunettes noires, ce spectacle qu'elle
aimait...
Mais pour elle, l'heure était
à la discrétion. Comme toutes les fois où elle se
livrait à son passe temps favori : le shopping sensuel...
Petite Chatte Griffue. C'était
le surnom que lui avait donné une personne qui avait dans sa vie
une place très particulière. Un surnom qui lui allait comme
un gant.
Jeune, encore étudiante,
elle délaissait les gens de son âge au profit d'hommes plus
mûrs, plus complexes, plus rassurants. Et à ce petit jeu,
elle se faisait féline, câline, mystérieuse, secrète...
mais selon ses humeurs, elle pouvait autant se frotter contre leurs jambes
que labourer leur fauteuil favori.
Elle aimait par dessus tout
jouer le jeu délicat de la séduction. Aimait que l'on se
retourne sur elle dans la rue. Adorait sentir la dépendance qu'elle
créait chez ses partenaire. Et toutes les armes était bonnes,
à commencer par les atours subtils et délicats...
La destination du jour était
une boutique discrète dans une ruelle calme de Croix Rousse. Hélène
y avait ses habitudes. Elle y profitait d'un statut de cliente privilégiée,
elle qui achetait chaque semaine pour plusieurs milliers de francs de dessous
chics. Privilège de courtisane entretenue.
Car là était
l'arme favorite d'Hélène. La lingerie, qui affirmait ses
formes, enflammait les sens et à laquelle aucun homme ne pouvait
résister.
Chaque fois qu'elle gainait
ses jambes de soie, qu'elle fermait l'attache d'une jarretelle, elle souriait,
radieuse. Consciente du pouvoir de l'apparence.
Provocante en privé,
elle restait pourtant discrète en public. L'habillement extérieur,
toujours classique, ne trahissait jamais l'audace de ce qu'il cachait.
Jouer les contrastes. Provoquer la surprise. Telle était la règle
du jeu.
C'est donc vêtue
d'un strict tailleur, d'escarpins vernis, le regard dissimulé derrière
ses lunettes noires, qu'Hélène poussa la porte du magasin.
La boutique était vaste
et accueillante. Il fallait reconnaître que la gérante, Béatrice,
savait créer les atmosphères propices à la vente de
ses audacieuses marchandises...
L'atmosphère était
comparable à celle d'un Club anglais. Parquet en bois, murs ocres,
lumières tamisées créaient l'impression de chaleur.
Près de l'entrée, plusieurs larges fauteuil en cuir, des
tables basses couvertes de journaux, permettaient aux hommes (les rares
osant assumer le rôle d'accompagnateur) de patienter. Tandis que
leurs épouses ou amantes se perdaient parmi les rayons de bois,
les présentoirs et les portants qui mettaient en valeur les tenues
et accessoires. Le tout était caché de la vue de la rue par
une vitrine judicieusement élaborée.
Une vingtaine de personnes,
hommes et femmes, assez richement vêtus, flânaient ainsi dans
la boutique.
Dès qu'elle la vit
entrer, Béatrice vint accueillir Hélène avec courtoisie
et gentillesse, comme à l'accoutumée. Sa cliente appréciait
toute manifestation de considération venant de cette femme qui aurait
pu être sa mère. Et qu'elle aimait particulièrement
taquiner. Bas qui avaient filé, couture imparfaite, paquet dont
la couleur ne lui avait pas plu : tout était prétexte à
des remarques tatillonnes. Mais aujourd'hui, l'occasion était spéciale,
et Hélène d'humeur joyeuse : recevoir un carton spécial
d'invitation pour une soirée VIP, en nocturne, réservée
aux meilleures clientes : voilà une marque d'attention qui flattait
l'ego de la jeune femme...
Grande, souriante, la cinquantaine
flamboyante, la gérante conversa quelques instants, avant d'isoler
la jeune femme dans le fond de la boutique.
"L'aménagement de mon
nouveau salon d'essayage est achevé. Je serais très honorée
que vous l'inauguriez ", murmura-t-elle à sa cliente, ravie de cette
marque supplémentaire de considération.
Béatrice tendit à
Hélène une large boîte : " Cela devrait vous plaire,
j'en suis sûre... "
C'est toute émoustillée
qu'Hélène entra dans le salon. Celui ci était impressionnant
: Murs blancs, même éclairage doux que dans la boutique, parquet
clair et surtout un miroir qui couvrait tout un mur, sur toute la hauteur.
L'endroit était spacieux et tranquille, comme un cocon protecteur
idéal pour d'agréables effeuillages...
Hélène défit
le ruban de soie qui fermait la boite, l'ouvrit, et sortit avec plaisir
une superbe guêpière noire et satinée, ainsi que les
bas assortis. Elle se déshabilla, s'amusant de la cavité
discrète dans laquelle pendaient des cintres auxquels elle suspendit
ses vêtements. Il lui fallu un certain temps pour enfiler la splendide
parure. |
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Quel plaisir ... la guêpière,
formée sur un corset souple, mettait merveilleusement en valeur
sa taille et sa poitrine. Hélène se sentait belle, magnifiée,
magnétique... Les bas de soie noire fuselaient ses jambes, et leur
contact était à la fois électrique, doux et excitant.
En remettant ses talons aiguilles noirs vernis, Hélène savait
déjà qu'elle venait de choisir sa nouvelle acquisition.
Elle passa et repassa devant
la glace, prenant des poses, se contemplant. Tour à tour femme fatale,
appuyée contre le mur, la jambe gauche légèrement
pliée... Ou femme enfant, bras croisés, dissimulant
naïvement son être... Ou dominatrice, cambrée, poings
sur les hanches, avec un air autoritaire...
Elle se plaisait. Elle se
trouvait incroyablement désirable. Il fallait décidément
que Béatrice voie cela...
Elle passa discrètement
la tête pas la porte entr'ouverte. A sa grande surprise, la boutique
était déserte. Pas un bruit, les éclairages avaient
été baissés au minimum ... Etrange, mais bon : il
était tard, après tout...
Refermant la porte, elle s'étonna
quand même de cette soudaine disparition de tous les clients. Après
tout, son essayage avait duré à peine une dizaine de minutes.
Bizarre...
Elle fronça
les sourcils, puis fut saisie de stupeur : la cavité, qui contenait
ses vêtements, son sac, avait disparu ! Le mur dans lequel elle était
incrustée il y un instant était otalement lisse.
Hélène sentit
l'angoisse monter en elle, tandis qu'une série de cliquetis la fit
sursauter : La porte était verrouillée ! Elle essaya de l'ouvrir
en vain...
Elle commença à
crier, appelant à l'aide, tapant des poings contre la porte, paniquée.
Que se passait il ? Quel était donc ce piège ? Pourquoi tout
cela arrivait il ?
La réponse vint, surprenante...
Un tiroir sortit du mur... Hélène s'approcha, et sursauta,
effrayée: le tiroir contenait une paire de menottes !
Une voix s'éleva alors,
venant de nulle part. La voix de Béatrice, calme et autoritaire...
" A moi de jouer, ma chère.
Mettez ces menottes. Maintenant ! Ou vous ne sortirez pas d'ici!". Les
derniers mots claquèrent comme un coup de fouet, impressionnant
Hélène. |
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Elle n'avait pas de solution.
Pas d'issue. Et puis, elle jouerait le jeu, sortirait... et ne manquerait
pas de faire payer Béatrice pour son humour déplacé.
Avec un air de défiance, Hélène passa les bracelets
autour de ses poignets et verrouilla les menottes. Les mains jointes devant
, elle leva la tête, et cria : " Bien... Heureuse ? Maintenant,
allez vous arrêter cette plaisanterie ! "
Un rire lui répondit,
semblant remplir de toute la pièce, tandis qu'une nouvelle surprise
arrivait : du plafond, une chaîne, terminée par un mousqueton,
descendit et oscilla devant le regard médusé d'Hélène.
" Passez la chaîne des
menottes dans le mousqueton. Plus vite ! "
Hélène s'efforça
de garder son calme. Après tout, Béatrice devait craindre
d'ouvrir la porte pour tomber sur une prisonnière certes entravée,
mais furieuse, toutes griffes dehors. Mesure de sécurité.
Elle s'exécuta donc, contorsionnant ses poignets pour passer la
chaîne dans l'anneau... qui se verrouilla totalement !
Entendre les cliquetis annonçant
le déverrouillage de la porte rassura Hélène. Baume
qui fut de courte durée, car la chaîne s'éleva rapidement...
Elle cria tandis que ses bras
s'élevaient en l'air. Elle se retrouva bientôt contrainte,
sur la pointe des pieds, dans une position inconfortable...
Ses bras étaient étirés
au maximum, les bracelets d'acier blessaient ses poignets... Béatrice
entra, petit sourire narquois aux lèvres... Elle portaient maintenant
une longue jupe de cuir noir, un bustier de la même matière,
tout comme ses longs gants opéras. Fascinante, venimeuse et lugubre
à la fois...
Deux jeunes femmes,
habillées de combinaisons sombres et de petites bottines, leurs
identités dissimulées par des loups noirs, l'accompagnaient.
Béatrice se plaça
devant sa proie, la toisant du regard, jouant avec une cravache : " Alors,
mademoiselle l'arrogante... Où est donc passée votre
superbe ? "
Hélène voulut
répondre, mais elle perdit soudain l'équilibre... Tandis
que l'une des complices détendait la chaîne, l'autre ajustait
à chacune de ses chevilles des bracelets reliés à
une barre d'approximativement un mètre de long...
L'écartement des jambes
était ainsi insupportable, et Hélène se retrouva littéralement
écartelée debout.
Elle reprenait à peine
ses esprits de la manœuvre qu'une large boule de latex fut forcée
entre ses lèvres. Elle envahit sa bouche, forçant ses mâchoires
à une douloureuse ouverture... Une lanière de cuir
fut fermement bouclée derrière sa tête, maintenant
l'envahissant objet en position.
Béatrice, satisfaite,
renvoya d'un geste de la main les deux servantes. Puis fit lentement le
tour de sa prisonnière, tapotant le bout de sa cravache contre sa
paume droite...
" Très bien... Insupportable,
n'est ce pas ? " sourit-elle en regardantHélène...
Puis elle se plaça
dos contre le miroir, face à sa jeune captive. Hélène
fut emportée par un tourbillon de sentiment... Peur, angoisse,
inquiétude s'affrontèrent... Elle ne put que regarder, fascinée,
l'image que lui renvoyait le miroir. Celle d'une poupée fétichiste,
soumise à un bondage sévère, capturée, effrayée...
" J'espère que vous
avez apprécié cette cabine, Hélène...
D'ailleurs, vous n'êtes pas la seule... ".
Cette dernière remarque
fut ponctuée d'un claquement de doigts... et le sang d'Hélène
se glaça à la vue du miroir.
Graduellement, il sembla se
troubler, jusqu'à devenir transparent. Derrière la paroi
de erre apparurent ceux qui étaient dans le boutique. Ils étaient
confortablement assis, sur deux rangées, dans des fauteuils tendus
de velours...
" Votre essayage a particulièrement
été apprécié, ma chère Hélène...
".
Long rire de Béatrice,
qui s'amusa de la rougeur qui montait soudain aux joues de la jeune femme.
" Vous savez, vendre de la
lingerie est un métier lucratif, certes... mais vous allez découvrir
mon autre activité, bien plus... rémunératrice
"
" Mesdames et messieurs, un
peu de silence, je vous prie... ". Béatrice se lança alors
dans une présentation détaillée d'Hélène.
Age, mensurations, tout y passa. La cravache servait à montrer à
l'audience les détails précisés. D'une petite tape,
elle força sa prisonnière à cambrer les reins.
Puis elle corrigea le port
de tête, effleura sa poitrine.
Le clou de la présentation
fut apprécié... Lorsque, sortant un petit canif, Béatrice
trancha les bords du petit string, dévoilant l'intimité de
la jeune femme...
Béatrice se tourna
alors vers la glace. " Les enchères vont commencer. La mise à
prix est de 500.000 Frs. Vous conviendrez, chers amis, que l'objet (elle
insista sur ce mot en glissant un regard vers Hélène) de
cette vente les vaut largement. A vous de faire monter les prix...
"
Derrière la vitre,
les gens s'agitaient. Ni Béatrice ni Hélène n'entendaient
ce qui se passait, mais le jeu était clair. Puis après un
regard introspectif, les différents "acheteurs " levèrent
leur carton, augmentant l'offre.
Hélène supplia
du regard son bourreau...
" Pourquoi vous ? C'est simple.
Belle, entretenue, prétentieuse.
Suffisamment pour venir ce
soir sans prévenir personne, en taxi...
Bientôt une femme disparue
de plus " |
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