Elle avait confiance.
Tout avait commencé quelques instants
auparavant. Dans cette grande chambre richement décorée,
il s'était assis sur un canapé tandis qu'elle s'installait
sur le lit à baldaquin.
Il l'avait regardée. Ses yeux parlaient
pour lui.
Elle ne s'était jamais vraiment trouvée
belle. Trop grande, trop myope...trop fanée maintenant. Mais devant
lui, devant l'éclat de son regard, la gentillesse de son sourire,
elle se sentait fondre, elle se sentait séduisante. Elle se sentait
revivre.
Puis il s'était levé. Elle
avait commencé à déboutonner le haut de son chemisier,
mais, d'un geste doux, il l'avait arrêtée. Il prit ses mains,
l'entraînant à se mettre debout, face à lui. Il banda
alors les yeux d'une écharpe de soie noire.
Béatrice avait toujours aimé
avoir les yeux bandés. Le mystère, l'incapacité de
percevoir les réactions de l'autre, tout cela contribuait à
la création d'une atmosphère érotique, presque électrique,
qui mettait en éveil chacun de ses sens.
Les mains de S. commencèrent alors
leur lent et délicieux ballet. Par effleurements successifs, alternant
gestes et caresses, elles effacèrent un à un les boutons
de son chemisier, qui tomba bientôt sur le sol. Instinctivement,
elle croisa les bras, cachant sa poitrine tandis qu'une légère
rougeur de timidité embrasa ses joues.
Il caressa ses épaules, la base de
son cou. Se plaçant derrière elle, il fit glisser les paumes
de ses mains contre son dos, le bout de ses doigts effleurant sa peau comme
autant de tactiles et chaudes gouttes de pluie. Encore un mouvement discret
et ample, et elle sentit sa jupe glisser à son tour au bas de ses
longues et fines jambes.
Il la contempla alors, vêtue des seuls
atours qu'il lui avait demandés : talons hauts, Dim up noir, string
noir satiné... sa poitrine étant dès l'origine laissée
libre de ses mouvements.
Il prit alors une paire de longs gants opéra
noirs, et les tint dans les mains jointes de Béatrice. Elle mis
quelques instants à comprendre ce qu'ils étaient, puis s'affaira
à les enfiler, le plus élégamment possible.
Cette opération la troubla, pour
2 raisons. Elle trouvait surprenant cet exercice d'effeuillage à
l'inverse (cette pensée, ajoutée à la douceur du satin
sur sa peau, ajouta d'ailleurs à son excitation), mais elle se demandait
surtout si l'utilité de cette accessoire n'était qu'esthétique.
Elle ne tarda pas à comprendre. Saisissant
ses mains, il les joignit derrière le dos, tandis qu'une corde souple
et douce les entrava bientôt. L'effet fut immédiat. La surprise
n'était que relative (S. tenait par dessus tout à fixer les
règles du jeu de façon précise, et elle savait (et
avait accepté avec enthousiasme) qu'un peu de bondage ferait partie
du cocktail de leur rencontre. Mais il y avait tant de temps qu'elle n'avait
pas été attachée, qu'elle n'avait pas ressenti l'ivresse
de la soumission physique dans les mains de quelqu'un d'autre, qu'une fois
de plus son émoi fut presque visible, et assurément érotique.
Le souci du détail trahissait la
considération de S. Les gants, montant jusqu'au dessus du coude,
étaient sans doute un de ces atours fétichistes, mais ils
assuraient également une parfaite protection de ses poignets. Sans
laisser de trace qui auraient pu trahir la réalité d'un après
midi présumé consacré aux joies de shopping...
L'acte suivant fut plus insidieux. Une autre
corde s'entrelaça bientôt entre les coudes de Béatrice,
et son étreinte progressivement ajustée finit par totalement
la priver du moindre mouvement. Sans oublier qu'elle se cambra instinctivement,
pour le plus grand plaisir de son jeune maître...
Il la guida alors vers le lit, lentement,
la laissa s'appuyer contre lui, et lui intima de s'y agenouiller. Lorsque
cela fut fait, deux larges ceintures de cuir virent s'enrouler entre chaque
cuisse et chaque cheville, amenant Béatrice à être
prisonnière de cette humble position.
Il recula d'un pas, et contempla le superbe
et émouvant spectacle. Le souffle légèrement trop
rapide de Béatrice montrait son excitation, de même que les
réactions subtiles de son corps.
Il ne restait qu'une pièce pour assembler
le merveilleux puzzle et commencer le jeu. Il s'agenouilla derrière
elle, caressa ses cheveux, son visage, son cou...
Béatrice sentit enfin contre sa bouche
glisser une matière douce et rigide. Il jouait avec, et ses lèvres
lui révélèrent sans peine l'aspect sphérique
de l'objet. Une lanière de cuir lui caressa la joue, tandis que
son ouie acérée perçut le tintement métallique
de ce qu'elle comprenait être le fermoir.
Elle connaissait la signification de l'acceptation
qu'elle s'apprêtait à faire. En ouvrant la bouche, en se laissant
bâillonner, elle acceptait sa domination, elle s'abandonnait à
lui et devenait esclave son bon plaisir. Ligotée, forcée
au silence et privée de la vue, elle était complètement
à sa merci.
Le mélange d'appréhension
et d'excitation qu'elle éprouvait faisant courir dans ses veines
le sucre du désir. Elle s'enivra un instant du parfum d'interdit
qu'elle sentait presque, et lui donna la confiance qu'il demande. Quand
la lanière de cuir fut ajustée, elle sut qu'autre chose allait
venir... mais l'ignorait.
Allait il se contenter de la regarder, de
jouir du spectacle, l'incitant à se débattre ? Ou bien abuser
d'elle froidement, comme un géreur d'habitation créole testant
l'esclave qu'il vient d'acheter ? Ou bien encore lui infliger une fessée
humiliante... et délicieuse.
La réponse vint sous forme d'un parfum.
Lourd, sucré, il emplit ses sens... Elle connaissait cette odeur
: une huile de massage.
Ses mains reprirent alors leur ballet sur
sa peau nue, mais avec une douceur décuplée. Chacun de ses
gestes l'embrasait de désir, tandis que ses caresses calculées
transformaient son corps en un instrument merveilleux. Ses mains semblaient
avoir leur existence propre : tendre lorsqu'elles s'appliquait à
soulager le courbure de ses épaules, douces lorsqu'elle s'appliquaient
sur son ventre, libertine quand elle jouaient et excitaient sa poitrine.
A ce concert s'invitèrent bientôt
d'autres virtuoses. Elle sentit sa bouche, tour à tour humide ou
caressante, se poser sur chaque pouce de son corps, lui arrachaient de
premiers soupirs de plaisir lorsqu'elle aguicha la pointe de ses seins.
Puis ce fut son corps. Il était désormais torse nu, et la
plaquait contre sa peau lorsqu'il la prenait dans ses bras en une infinie
et délicieuse caresse. Elle sentait sa chaleur, sa douceur, sa respiration
calme et ample. Pour être moins grand qu'elle, il n'en était
pas moins habile. Ses caresses se firent alors plus sélectives,
et elle comprit bientôt que son seul souci était de lui donner
le plus grand des cadeaux. Progressivement, avec patience, attention, légèreté,
perfection, il utilisa ces talents à bâtir le plaisir de Béatrice.
Elle était folle, sentant monter
en elle des vibrations, des sensations inouies et délicieuses. Son
esprit fantasmait, amplifiant encore l'extase qui prenait possession de
tout son être.
Elle l'imagina ôtant son bâillon,
puis l'embrassant fougueusement, l'agrippant par les cheveux. Enfin il
l'amenait à embrasser son cou. Puis plus bas, son torse. Puis plus
bas, son ventre. Puis...
Ces folles idées l'embrasèrent,
et son corps la trahit. Du fonds de son être monta une vague de jouissance
qui l'emporta, la submergea, l'engloutit. Elle gémit par delà
l'obstacle, ses membres se crispant sur ses entraves tandis que sa délicieuse
immobilisation accentuait encore la tempête qui soufflait en elle.
Son bandeau l'empêcha de voir autre
chose, que S. préférait garder pour lui. Il souriait, heureux
du plaisir qu'il venait de lui donner. Son parfum, ses senteurs s'imprégnant
dans son âme comme autant de souvenirs. Elle était libérée
par delà ses liens, et son âme explosait dans un plaisir pur
et mérité.
Il l'allongea, essoufflée, luisant
d'huile et de sueur, et ses caresses accompagnèrent doucement la
pause nécessaire qu'elle s'accorda au creux des draps froissés.
Lorsqu'elle fut apaisée, il détacha
les liens. Il la couvrit de baisers, de dernières caresses, tandis
qu'elle sombrait dans un léger sommeil.
Quand elle s'éveilla et ôta
son bandeau, il avait disparu.
Sur le lit, une carte, portant l'inscription
manuscrite
- Découverte
sans tabous -
Elle sourit...
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