Alyssa

Conte pour adultes

de Akin

 


 
 
 
 
 
 
 
Le galion.

Elle était sur un bateau ! Sur un bateau à voile ! Plus exactement une sorte de galion. Construit du même bois qui embellissait partout la maison.
Le bateau était la proie d'une mer déchaînée, des vagues passaient par-dessus bord, les voiles déchirées s'entortillaient autour des mats.
Des silhouettes s'agitaient de partout sur le pont, vêtus de costumes amples. L'agitation était désespérée, chacun essayant de sauver sa peau.
Elle voyait certaines de ces silhouettes en train de s'encorder au bastingage, d'autres autour des mats.
Le bruit de cloche provenait de l'avant du bateau, où quelqu'un sonnait à toute volée. Et puis, à l'arrière, elle reconnut la barre. Une silhouette à la chevelure imposante tentait de maintenir le cap. Mon Dieu comment cela était-il possible ?
Entre de lourds canons de métal noir amarrés sur le pont, des tonneaux roulaient sur le pont. L'un d'eux vint s'écraser à quelques centimètres de sa tête. Elle avait voulu l'éviter, mais elle était toujours par terre et n'avait pu bouger comme elle le voulait. Son regard se porta sur son corps. Elle était entravée dans une espèce de robe, un truc complètement démodée qui se portait dans certains bals masqués. La robe décorée de volants à moitié arrachés, avait souffert. Elle était maculée de taches diverses et l'on avait du mal à en distinguer la couleur, un rose clair. Elle n'avait plus de chaussures, mais ses jambes restaient gainées de bas opaques qui avaient dû être blanc et qui étaient troués et déchirés à certains endroits.
Elle sentait aussi autour de sa taille comme un cerceau de métal qui flottait, et vue la position dans laquelle elle se trouvait il la faisait souffrir.
Elle avait presque tout de la marguerite qu'on vient d'écraser. Quant à ses bras, ils étaient attachés dans le dos au niveau des poignets.
Elle sentait d'ailleurs la morsure des fers alors qu'elle se débattait...
Une chose était sûre dans tout ça ! Sa propre vie était en danger et elle devait réagir... Mais comment ?
Ballotée par les ruades du bateau, malgré ses genoux et ses coudes écorchés, elle essaya de s'appuyer contre la paroi en bois qu'elle découvrit derrière elle.
Le navire semblait une boîte d'allumettes prête à se disloquer à tout moment dans cette tempête furieuse. Des vagues déferlèrent sur le pont entraînant avec elles les dernières créatures qui n'avaient pu s'attacher. La situation d'Alyssa, au ras du pont, lui permettait au moins d'éviter de passer par-dessus bord...
D'où elle était, elle pouvait distinguer le pont arrière.  La personne venait de quitter la barre pour réapparaître quelques secondes plus tard.
Coincée entre un baril et une caisse qui avaient pris appui sur le système d'ancrage des canons, elle ne bougeait plus et son horizon devint à peu près stable.
C'était une femme, elle en était quasiment sûre, qui était là-haut !
Debout derrière l'étrange roue, elle tenait dans ses mains un livre de taille imposante.
Alyssa ne savait pas ce qui se passait exactement. Mais quelques instants plus tard, le livre ouvert devant elle vit la femme hurla dans le vent.
Ses cheveux noirs volant dans tous les sens, un nez de rapace, le regard concentré, elle portait sous son haut sombre une large ceinture, le reste était caché par la roue maudite...
Derrière elle, venait d'apparaître, de se matérialiser, une créature humanoïde qui dépassait en taille, largement la femme.
Ainsi Alyssa pu suivre la suite des actions. La créature , vétue d'une grande robe, avait une tête de loup. A travers les embruns qui balayaient le navire, elle put apercevoir également un collier de métal attaché à son cou avec une chaîne qui semblait mener vers la femme ou vers le livre...
Ils discutèrent calmement quelques instants, malgré la présence de la tempête, puis la discussion sembla s'envenimer.
La créature ouvrit la gueule comme pour mordre, mais rapidement la femme qui avait plutôt montré jusqu'ici une certaine déférence, tira le collier vers elle, fit plier la bête, prit un air mauvais et, la toisant du regard, elle sembla lui donner des ordres.
La créature se rebella, en vain, d'innombrables petits éclairs jaillirent de la chaîne et du collier, et la douleur fût telle pour la bête qu'elle finit par se soumettre.
La femme finit de cracher son venin, et la créature, calmée, sembla considérer le péril dans lequel se trouvait le navire. Elle ouvrit une large gueule et se mit à vomir, des dizaines de petites créatures qui lui ressemblaient. De couleur bleue, translucides, celles-ci se mirent à voleter autour du bateau.
Elles semblaient à la fois enragées et heureuses. Ce ballet aérien arrêta les vagues qui venaient bousculer le galion, et en quelques instants, à l'abri dans cette sphère protectrice, le bateau retrouva une mer calme.
Rien ne pouvait toucher la coque, ni approcher du pont. De manière systématique, à une vitesse défiant l'imagination,
tout était repoussé sans faille, sans répit !
C'était comme si le monde s'était arrêté. Le bateau ne bougeait plus. On ne sentait plus le vent. Ne restaient sur le voilier en piteux état, que les dégats causés par la tempête. 
Alyssa, dans le calme retrouvé, s'aperçut que tous les marins présents étaient des femmes, s'affairant à défaire leurs liens. Comme si pour elles tout danger était définitivement écarté. Un bateau composé de femmes ? Alors derrière là-bas c'est le capitaine ? 
Cette pensée la réconforta un peu, elle tourna la tête vers la poupe. La femme et la créature, liées par le livre et la chaîne la regardait. 
Un même rictus déformant leur visage. 
Tout ceci était trop réel, trop brutal pour Alyssa qui perdit connaissance.

 


 
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